MIROIR LUBRIQUE

 

Voyez ce que je suis devenue, ce que je suis, une image. Une jolie image fabriquée de toute pièce, un puzzle construit pièce par pièce, une belle œuvre de collage, une espèce de monstre qui se voudrait parfait pour échapper à la douleur d’exister. Une vitrine inviolable, pour protéger une relique souillée. Une belle vitre blindée, transparente, regardez-moi mais ne me touchez plus.
Ma chair avariée est grouillante de larves gluantes, n’allez pas tenter de la frôler, laissez cette frontière entre vous et moi, cette surface lisse et froide, sèche de toute émotion. Je ne veux rien recevoir de vous, voleurs, massacreurs. Je ne veux plus me laisser pénétrer, envahir par vous, perverses sirènes.
Mes orifices sont des pièges où je vous verrais bien crever. Ma bouche, à présent est fermée. Ne rien recevoir, éventuellement me vider de cette fange putride. Contentez-vous de regarder, prenez si vous voulez mais ne m’obligez pas à me vautrer avec vous dans ce charnier obscène.
Vous n’aurez de moi que ces maux que je couche. Ces mots à l’odeur dérangeante, qui vous feront, l’espace d’un moment, voyager dans mon monde.
Vous fuirez… insoutenable parfum de mort. Et pour me faire pardonner je vous offrirais une image, celle que j’ai fabriquée, la seule que vous accepterez.

 

 Texte de Motdit, Illustré par Jo99